Réflexions sur la laïcité

Un groupe de travail de la Loge eut l'occasion de s'emparer de la question suivante :

« Bien que le principe de laïcité garantisse la liberté de culte, les religions considèrent la laïcité comme un obstacle et/ou un adversaire philosophique. En fait, seul le cléricalisme est dénoncé par la laïcité. Comment la Franc-maçonnerie peut-elle contribuer à faire reconnaître la croyance en Dieu comme un des aspects de la liberté de conscience que proclame et permet la laïcité ? »

La laïcité est très couramment assimilée à la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, alors qu’elle est le fruit d’une réflexion de plusieurs siècles. Cette assimilation rapide amène à imaginer la laïcité comme ennemie de la religion. La loi sur le port des signes religieux soutient d’ailleurs cette vision d’une laïcité en négatif, qui interdit plus qu’elle ne permet.

La définition que propose Comte-Sponville de la laïcité trouve un écho particulier dans cet environnement : « Ce n’est pas l’athéisme, ce n’est pas l’irréligion. Encore moins une religion de plus. La laïcité ne porte pas sur Dieu, mais sur la société ». La religion – chrétienne en l’occurrence – peut d’ailleurs quelquefois être laïque : par exemple, au XVIème siècle, la Réforme a combattu Rome et ses implications dans les Etats, pour supprimer le clergé et dissocier pouvoirs temporel et spirituel.

La laïcité est un espace de tolérance qui offre à tous la possibilité de rapports apaisés, et à chacun la liberté de conscience. Cette tolérance ne naît pas de l’effacement des différences mais de l’apprentissage à les vivre et à s’en enrichir. Comment, sur ces constats, montrer que, concrètement, athéisme et laïcité sont bien dissociés ?

On sait combien la laïcité participe des valeurs fondatrices de notre République. Elle est en fait un réaménagement de la volonté initiale des révolutionnaires, soucieux de considérer la dimension spirituelle de l’homme. Concernant la mise en application de cette religion civile – le terme de religion étant pris ici dans son acception première « ce qui relie », Robespierre, dans son discours du 18 floréal an II, interroge les athées sur les avantages qu’ils trouvent à « persuader à l’homme qu’une force aveugle préside à ses destinées, et frappe au hasard le crime et la vertu (…) L’idée de son néant lui inspirera-t-elle des sentiments plus purs et plus élevés que celle de son immortalité ? (…) » Il termine ainsi son plaidoyer : « L’idée de l’Etre suprême et de l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine. ». Ne le nions pas, les croyances religieuses sont aussi génératrices de normes comportementales et d’épanouissement personnel.

De plus, il est impossible d’imaginer la liberté de conscience sans la maîtrise de notre culture, largement imprégnée et même soutenue par cette dimension spirituelle dont la religion et la croyance en Dieu sont une forme importante mais pas unique. La laïcité ne peut se permettre d’ignorer ni les religions ni les faits religieux. Que ce soit l’Architecture, la Peinture, la Sculpture ou la Littérature, les clefs de leur compréhension tiennent essentiellement dans le lien que nous pouvons établir avec la spiritualité ou la pensée de leurs créateurs. Ne pas retenir ces valeurs, c’est se rabattre uniquement sur des valeurs morales qui peuvent être toutes aussi structurantes, mais manquent de point d’appui.

Dans nos temples, nous réunissons athées, agnostiques, croyants et pratiquants. Cela est même une condition nécessaire à la qualité de nos apports mutuels. Le centre de l’union est un espace laïque qui fonctionne. Un espace laïque qui est loin d’évacuer les questions ayant trait à la spiritualité. Clamons-le !

En rendant publique notre analyse, en communiquant sur la réalité de la liberté de conscience qui anime nos assemblées, que le monde profane perçoit injustement comme des regroupements d’athées, et en dénonçant les seuls débordements des religions par rapport à la laïcité, nous aurons commencé à répondre à la question.